Sunset in the Blue Melody Gardot

C’est avec un immense plaisir que nous vous proposons cette chronique de Sunset in The Blue le dernier album de Melody, la fille de Philly. Il y a cinq ans après un concert donné à Erbalunga, la chanteuse nous faisait part de son désir de basculer vers un répertoire plus « bossa » dans l’esprit d’Antonio Carlos Jobim, Joao Gilberto et bien sûr Astrud Gilberto. L’année suivante, Melody était en vacances en Corse pour travailler ce projet avec Pierre Aderne. Est-ce les décors de l’île (« Thanks for all the beauty you showed me on the island and for the opportunity to fall in love with this place », nous disait-elle), l’ambiance d’un groupe ou son âme d’artiste altruiste ? Quoiqu’il en soit le contenu du matériau exposé était déjà prégnant.

Aujourd’hui, l’album est enfin sorti. Il comporte 13 titres (hors bonus) dont près de la moitié ont bénéficié des ondes et de la lumière particulière de l’île de beauté. « If You Love Me » qui à l’origine se nommait « Let Me Show You Where You Go » pose l’esprit des sentiments que Melody souhaite partager avec son public. Les cordes du Royal Philarmonic Orchestra sont comme des vagues qui viennent déposer leur émotion sur la grève des mots de Gardot. La chaude trompette de Till Brönner évoque le soleil au couchant quand sur la montagne qui domine Bastia, Melody s’extasiait des couleurs qui pénétraient son regard. Enchainer avec « C’est magnifique » ce commencement est totalement dans l’esprit voulu par l’artiste.

Un moment de beauté porté par la voix lancinante de Melody. La teneur est dans la sensualité que la chanteuse évoquait aux origines du projet. Petit bémol tout de même avec la voix d’Antonio Zambujo, trop rustique, qui dénote dans l’ensemble et ne parvient pas à faire oublier l’émotion de celle délivrée par Pierre Aderne. « La Onda ela Mora em Mim » devient ici « There Were He Lives in Me ». La chanteuse s’est totalement réappropriée ce titre pour en faire un des cinq joyaux de la couronne de Sunset…Avec cette chanson, l’auditeur peut laisser libre cour à son imagination et voguer dans l’univers ouaté proposé par Melody Gardot.
Nous continuons de caboter sur cet album dont la gestation a été d’au moins cinq années et redécouvrons « From Paris with Love » qui à l’origine était un peu plus enlevé que la version figée sur la cire du vinyle que nous nous sommes procurés pour conserver un souvenir physique de cette belle production. « From Paris… » a été utilisé comme teaser pour cet opus en plein confinement. Melody demandait à l’époque à ses « suiveurs » d’envoyer un selfie avec inscrit « From votre – votre ville- with Love ». Avec la pandémie le titre a aussi perdu aussi ses connotations orientales.
« Avé Maria » au départ juste « Avé » en l’honneur de la déesse des mers et « I Fall in Love to Easily » un titre qui lui colle tellement à la peau, expriment tout à fait l’attachante personnalité de l’artiste. Sous la direction de Vince Mendoza ce bijou d’album bénéfice d’un écrin haut de gamme. « Love Song » garde le cap (Corse) défendu par la créatrice de « Baby I’m a Fool ». La sensualité est poussée à son paroxysme et la voix se fait plus sûre, plus affirmative. Ici Melody ne cherche pas l’évasion mais revient à ses passions. Prend une autre allure et délivre un scatt, qui n’en est pas forcément un, dont elle a le secret. « Sunset in the Blue » est le titre le plus renversant de ce programme. On voudrait que cette chanson soit sans fin tellement elle est belle. Pourquoi l’a-t-elle écrite ? Un message fort pour un être qui n’a pas compris qui elle était ? Un besoin d’oublier ce qu’elle n’a pas vu venir.

En tout cas c’est une chanson qui sort de son cœur, de son émoi profond. Le tout magnifié par les cordes et surtout les notes d’Anthony Wilson (g) et les petits coups de balais de Vinnie Colaiuta (dm). Sa passion pour le Brésil se dévoile ici encore avec « Um Beijo » tendre à souhait et « Ninguém Ninguém ». Enfin, avec « Moon River » Melody aborde un standard comme elle en a le secret, tou en finesse, même si « I Fall in Love to Easily » lui colle bien mieux à la peau. Un nouveau beau don de soi que vient de faire Melody Gardot à travers ce nouveau disque dont la couverture devrait plaire à certains grincheux. Pour mémoire la celle du « Live in Europe », avait été critiquée (nue de dos guitare à la main sur la scène de l’Olympia) et dans la foulée ses qualités artistiques. Alors doit on mettre Melody dans une case pour la définir comme chanteuse de jazz ou de non jazz. Et si on retenait seulement le bonheur qu’elle nous donne à travers sa voix, ses mots sa musicalité et ses idées. Duke Ellington avait cette phrase : « Il n’existe que deux sortes de musique : la bonne et la mauvaise ». Avec Sunset… on est totalement dans le premier registre.
M.M.

Plus d’infos
Son site officiel : https://melodygardot.co.uk/#?secret=EQI9pnRZA4
Celui de Gérard Drouot Productions : https://www.gdp.fr/artistes/melody-gardot/
UN APERCU DE SA DISCOGRAPHIE
RETROUVEZ LA CHRONIQUE DE LIVE IN EUROPE ICI
https://rythmncorsica.com/2018/12/06/chronique-cd-melody-gardot/


